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Le couvent et l’école (suite)

Comme je l’ai dit auparavant, la vieille école avait servi surtout pour les garçons. Pas riche, mais serviable. Les planchers en planches de deux pouces en bois de sapin étaient huilés et devenaient assez crasseux vers la fin de l’année. Les fenêtres et les cadres de porte étaient peints en vert pâle pour donner un peu de gaieté à la classe. Enfin, l’école était plus ou moins adéquate, mais peut-être plus que les maisons de l’époque de plusieurs de nos résidents. La première chose qu’il faut savoir, c’est que les Bernardin arrivaient toujours quinze minutes avant l’ouverture des classes et il fallait attendre sur le perron. Dieu sait que nous n’avions pas les vêtements étanches et chauds d’aujourd’hui. Même qu'il y en avait qui avaient le col du manteau retroussé!

C’était sœur Eugène qui devait raccourcir son temps du déjeuner, ou autre besogne, pour enjamber les bancs de neige et être la première à nous rejoindre pour ouvrir l’école afin de nous réchauffer avant de nous rendre à nos classes respectives. Vous connaissez les routines de l’époque. Toutes les Sœurs de Notre-Dame des Missions nous respectaient comme Canadiens français et elles faisaient tout en leur pouvoir pour que nous gardions notre français. On étudiait en français avec des livres français et anglais. Tous les livres étaient cachés quand l’inspecteur M. E.D. Parker venait. Il était charmant en plus d’être sympathique. Sachant ce qui se passait parfois, il demandait à la maîtresse de la classe s’il était possible que nous chantions en français; il n’avait pas besoin de le demander une deuxième fois. En passant, le chant était dominant dans toutes les classes de l’école. À des moments propices, nous avions des concerts à l’école et à l’église, même au couvent qui, durant les Fêtes, attiraient trop de fidèles, même pour les cérémonies du carême.

Je les remercie encore une fois de nous avoir montré le chant. J’en ai profité toute ma vie, à l’école, à l’église et pour des soirées.

Arrivé à Sainte-Anne, ça m’a été très utile pendant mes vingt-sept années de travail auprès des résidents de la Villa Youville, et aussi pendant mes vingt années à l’église où je chantais dans la chorale. Il ne faut pas oublier le groupe des Hypothéqués avec qui j’ai chanté pendant dix à quinze ans dans des concerts paroissiaux. J’ai subi un accident cérébral en 2003, ce qui m’a modéré beaucoup, mais j’aime encore turluter quand j’en ai la chance, même si j’ai plus de difficulté à garder la note. (Ma femme dit que je ne fausse pas même quand je fausse!)

Les filles jouaient à la balle au nord de l’école et les garçons au sud. À des occasions spéciales, surtout les vendredis, nous avions un genre de tournoi avec ou contre les filles. Tout allait bien, quand une fille, que je ne nommerai pas, prit le bâton et résolut de frapper plus loin que tout le monde. Elle se lança, manqua la balle et à sa grande surprise, trouva sa petite culotte à ses pieds. Les filles l’entourèrent rapidement pour lui donner la chance de faire les corrections nécessaires. Ce n’était pas si grave que cela quand on sait que nous venions tous de grosses familles, mais drôle, oui. L’étable des chevaux était située à l’extrême sud sur la propriété de l’école, mais ne servait plus. Parfois, les gars pour se protéger contre la pluie se réfugiaient dans l’étable. Pour faire de la gymnastique, on se mettait debout sur la crèche et on s’élançait pour attraper le deux par quatre qui joignait les cloisons. Une fois, distrait par le son de la cloche, je n’avais pas pris l’élan nécessaire pour rejoindre le deux par quatre et je suis tombé sur le dos. Je me suis levé une demi-heure plus tard en me demandant ce qui m’était arrivé! Je me suis retrouvé en classe, mais la maîtresse n’a jamais accepté mon explication. Encore une fois, j’étais mal-compris!

Le plus grand problème que nos mères avaient, après nous avoir trouvé du linge convenable pour l’école, comme tous les autres, c’était de nous trouver des sous pour soutenir les activités de l’école. Comme vous le savez tous, pour sauver les âmes des petits Chinois. J’expliquais à Albert Chung, le mari de Madeleine, la fille de Maria, ce que nous faisions. Il y avait de la compétition entre les classes. Il faut se rappeler que les sous étaient rares et en grande demande dans une famille de 8 à 10 enfants. J’allais oublier de mentionner les prières. En dehors de l’église et des cérémonies extraordinaires chez les sœurs du couvent, nous avions beaucoup d’occasions de prier à l’école. Les Ukrainiens et les autres nationalités qui s’adonnaient à vivre avec nous prenaient librement part à toutes nos activités. La plupart du temps, un ajustement se faisait sans remarques, ils participaient volontairement et de bon gré.

Je me souviens que quand les élèves du secondaire avaient été raisonnables durant la semaine, sœur Robert ou sœur Sainte-Reine nous donnaient la permission de jouer une partie de balle contre les filles.

Cela voulait dire que nous pouvions jouer cette partie dans le champ des filles au nord de l’école, cela signifiait aussi que c’était plus facile pour les gars de frapper des circuits pour la simple raison que la clôture était plus proche. Après chaque circuit, comme d’habitude, nous, les gars, nous nous jetions par terre, essoufflés. Immédiatement, on nous demandait de nous lever. Après un bout de temps, on se demandait pourquoi, tout à coup on s’est rendu compte que c’était parce que les filles portaient des robes! Ce n’était pas trop énervant pour la plupart d'entre nous, car on venait de grosses familles et ce n’était pas rare de voir passer nos sœurs accoutrées comme cela. Souvent, il était question d’aller voir un tel ou un tel pour faire augmenter le budget de l’école d’Élie par le Département de l’éducation à Winnipeg. C’était connu que nous apprenions l’anglais, mais les Sœurs de Notre-Dame des Missions nous enseignaient tous les sujets en français, même l’anglais en français. C’était la même chose que partout ailleurs dans les autres centres francophones, la cachette de livres, etc. L’inspecteur venait avec mon père et nous demandait discrètement si nous pouvions lui chanter l’Ô Canada en français.

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