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À l’aube de 2007, année des 18 ans d’Élianne, la vie est belle. Elle étudie en bio-écologie et se dirige en biologie marine. Elle est athlète en vélo de montagne, a un amoureux et part pour le Mali visiter son frère et sa famille... Élianne est heureuse. Jusqu’à la journée fatidique où sa vie bascule.

Les textes de cette chronique proviennent d'extraits de courriels envoyés à la famille par Jocelyne, sa maman. L’histoire d’Élianne m’a bouleversée et je voulais vous donner la chance de la lire. Pour vous faire connaître un peu Élianne, nous avons débuté cette chronique dans le numéro de mai 2017 par son voyage au Mali avec Jocelyne. Nous vous recommandons cette lecture préalable. MISE EN GARDE : certaines images et textes peuvent heurter la sensibilité des personnes non averties.

19 mai 2007 - 19 mai 2012 / 5 ans plus tard
 

Hier, 18 mai, j’ai eu un « flash », j’ai réalisé que c’était ce soir-là que j’ai vu, pour la dernière fois, Élianne, ma fille qui venait d’avoir 18 ans. Elle était passée à la maison, était assise sur les genoux de Nico, son chum depuis près de deux ans, elle portait des jeans et un chandail long brun. Cette image est très claire dans ma tête, je la trouvais si belle, je me réjouissais du fait que sept jours plus tard elle serait de retour à la maison pour l’été, je me réjouissais de la retrouver après une année scolaire passée loin de nous. 


Vous connaissez la suite…
 
En ce jour « anniversaire » de l’accident d’Élianne, je tenais à vous écrire, vous, nos ANGES comme dirait mon amie Martine, qui nous avez soutenus depuis le début ou en cours de route, vous qui étiez déjà nos amis ou l’êtes devenus depuis, vous qui êtes peut-être de simples connaissances et mêmes des connaissances d’amis, mais dont les pensées nous ont accompagnés tout au long de ce parcours, vous, tous les thérapeutes impliqués à un degré ou à un autre en cours de route. Vous êtes nombreux et je vous dis tout de suite MERCI. Je suis et je demeurerai toujours persuadée que toute cette « énergie » partagée a contribué à maintenir Élianne (et nous) en vie.
 
Votre soutien nous a permis d’affronter ce qui nous attendait, et il continue de nous porter dans notre quotidien.
 
Jeudi 17 mai, anniversaire d’Élianne, nous sommes allées rencontrer une partie de son équipe de médecins des soins intensifs de l’Hôpital du Sacré-Cœur. Nous en avons profité pour faire un petit tour sur les étages, saluer ceux et celles qui sont chers à nos cœurs. Nous n’y retournerons plus, c’était la fin d’une histoire, ce sera le début d’une autre. 
 
Dans le regard de nos bons médecins, je sens, davantage chez certains, un doute, une interrogation toujours présente… « Est-ce que nous avons fait la bonne chose? Est-ce que nous avons sauvé une vie qui ne vaut pas la peine d’être vécue? Est-ce que nous avons fait les bons choix? Quel est le prix à payer pour elle, pour sa famille? Quelle qualité de vie a-t-elle? » 
 
Je n’ai pas LA réponse à leurs questions, j’ai juste MA réponse : JE N’AI AUCUN REGRET ET… POUR ELLE, ET POUR NOUS, VOUS AVEZ FAIT LA BONNE CHOSE…
 
Et la réponse d’Élianne : « MA VIE MÉRITE D’ÊTRE VÉCUE PUISQUE MÊME SI JE N’AI PLUS LES MÊMES BUTS QU’AVANT, J’EN AI DE NOUVEAUX ET POUR MOI, LA VIE C’EST D’AVOIR DES BUTS ». 
 
Pour d’autres, la réponse serait différente pour toutes sortes de raisons.

J’ai envie de dire certaines choses à nos médecins et aussi à ceux et celles dans le milieu médical, de la recherche ou de la réadaptation qui se questionnent sur la pertinence des soins intensifs et avancés pour les traumatisés crâniens. 
 
Voici quelques questions et réponses :
 
Est-ce qu'elle pourra retourner aux études : NON (Sauf éventuellement quelques petits cours.)
 
Est-ce qu'elle pourra occuper un emploi rémunéré : probablement que NON (Par contre, elle pourra faire du bénévolat dans des domaines qui l'intéressent.)
 
Est-ce que l'ancienne Élianne aurait aimé ce qu'elle est devenue : NON (Par contre, elle n'a plus voix au chapitre et la nouvelle Élianne apprécie sa vie.)
 
Est-ce qu'Élianne aurait pu aller aussi loin sans le soutien constant depuis cinq ans de sa famille et de notre réseau : NON
 
Est-ce que notre vie serait plus simple si elle était décédée : OUI
 
Est-ce que maintenant nous regrettons : NON (Malgré que oui, effectivement, nous sommes fatigués.)
 
Est-ce que nous sommes inquiets pour son futur : OUI
 
Est-ce qu’elle garde des séquelles importantes : OUI
 
Est-ce que je crois qu'elle pourra un jour être totalement autonome : NON (Par contre, avec un minimum d'aide et d'organisation elle pourra se débrouiller.)
 
Est-ce qu'elle peut être heureuse : OUI 
 
Est-ce que nous regretterions notre décision de lui donner la chance de nous montrer ce qu'elle peut faire si elle était restée dans un état neuro-végétatif : OUI (Par contre, j'étais fortement décidée à lui donner la « jambette » nécessaire pour trébucher si cela avait été le cas, je dois dire que c'est ce qui m'a permis de continuer et je pense que l'on devrait avoir le choix de pouvoir revenir en arrière si la survie mène à une vie « inacceptable ».)
 
Est-ce qu’elle et nous avons dû faire des deuils : OUI
 
Est-ce qu’elle et nous aurons d’autres deuils à faire : OUI
(Je précise ici que contrairement à ce que certains pourraient croire, nous avons toujours fait nos deuils, mais seulement au moment approprié et non pas d’avance, sans savoir si vraiment il y avait un deuil à faire, et je dois préciser aussi que nous n’avons pas eu à en faire certains qui semblaient pourtant inévitables, par exemple, pour Élianne, de marcher.)
 
Je sais que pour les équipes médicales, il est extrêmement difficile de prendre des décisions. Les médecins en voient beaucoup, ils voient des histoires qui finissent bien, d’autres mal et tout un éventail entre les deux. Ils ne peuvent pas savoir d’avance et je crois que c’est ce qui les rend si ambivalents. Ils craignent que les décisions qu’ils prennent aient de grandes répercussions sur le futur de leurs patients et de leurs familles. De plus, ils n’ont aucune idée, ou si peu, de comment se passe le « après », sur les services offerts, sur les possibilités, sur les différentes thérapies de réadaptation, autant traditionnelles qu’alternatives. Je n’ai pas de solutions toutes faites pour eux. Pour Élianne, il n’y a rien à regretter. (Sauf que ce soit arrivé…)

 

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Huaca Arco de Iris - Pérou, janvier 2011

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Huaca de la Luna - Pérou, janvier 2011

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Parc national du Mont-Tremblant, été 2011

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Déjeuner en famille, juillet 2011

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Élianne et Martin Matte (humoriste, acteur, auteur, scénariste et producteur), mai 2011

(suite au prochain numéro)

 

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